Dans leur contrat de mariage, les époux peuvent convenir d’intégrer une clause dite de « préciput ». En cas de décès, cette clause offre la possibilité au conjoint survivant de prélever, sans indemnité, sur la communauté, un ou plusieurs biens déterminés avant le partage de la succession, même si la valeur de ces biens excède la part à laquelle il aurait eu normalement droit. Sachant que le conjoint survivant est libre d’exercer ou non ce prélèvement. Cette clause s’adresse, en principe, aux seuls époux mariés sous le régime légal de la communauté réduite aux acquêts et sous le régime de la participation aux acquêts.
Un redressement fiscal à l’origine du litigeÀ ce titre, dans une affaire récente, des époux avaient procédé, le 13 novembre 2015, à une modification de leur régime matrimonial afin de prévoir une clause de préciput au profit du conjoint survivant. Monsieur était décédé en 2016, laissant pour lui succéder son épouse et leurs trois enfants issus du mariage.
Lors du règlement de la succession, la veuve avait prélevé en toute propriété, en vertu de la clause de préciput, la résidence principale du couple, leur résidence secondaire ainsi que les meubles meublants garnissant chacun de ces deux biens immobiliers. Quelque temps plus tard, l’administration fiscale avait adressé au conjoint survivant une proposition de rectification de la déclaration de succession afin de soumettre au droit de partage de 2,5 % (+ les intérêts de retard) les prélèvements effectués au titre du préciput. Le fisc considérant que peu importe que le préciput, qui fonctionne comme une clause d’attribution préférentielle, s’exerce avant tout partage, puisque, en réalité, il a les effets du partage en ce qu’il permet un transfert de propriété sur un bien qui ne composait pas le patrimoine du bénéficiaire et qui ne lui est dévolu qu’en raison du décès ouvrant les opérations de partage.
Une proposition de redressement que la veuve avait contestée devant les tribunaux. Appelée à se prononcer sur ce litige, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu, le 16 octobre 2024, une décision dans laquelle elle a utilisé sa faculté de demander un avis à la première chambre civile de la Cour de cassation (chambre qui tranche notamment les litiges en matière de droit des personnes et de la famille) sur la question de savoir si le préciput constitue ou non une opération de partage.
Pas de droit de partageDans cet avis, les juges de la chambre civile ont rappelé que le prélèvement effectué sur la communauté par le conjoint survivant en vertu d’une clause de préciput a, comme le partage, un effet rétroactif. Mais il se distingue de l’opération de partage à plusieurs égards.
En premier lieu, s’il s’opère dans la limite de l’actif net préalablement liquidé de la communauté, il intervient avant tout partage.
En deuxième lieu, s’effectuant sans contrepartie, les biens prélevés en exécution de ce droit ne s’imputent pas sur la part de l’époux bénéficiaire.
En troisième lieu, son exercice relève d’une faculté unilatérale et discrétionnaire du conjoint survivant.
En conséquence, le prélèvement préciputaire ne constitue pas une opération de partage. Un droit de partage ne doit donc pas être appliqué sur une telle opération.
Précision : la chambre civile de la Cour de cassation ne fait que répondre à la question qui lui a été posée par la chambre commerciale. Cette dernière est libre de ne pas suivre l’avis qui lui a été adressé. Ce qui ne devrait pas être le cas puisque les juges ont fait une stricte application des dispositions du Code civil en la matière. À suivre…